Légitimité

Règles de dévolution 
de la Couronne de France

selon les Lois fondamentales du Royaume

  1. La catholicité est la première des Lois fondamentales, qui vont se préciser et trouver leur perfection sous les Capétiens. Depuis Clovis, le roi doit être catholique. « Fils aîné de la Sainte Eglise catholique romaine »le Roi de France doit être né d’un mariage catholique (ou réputé tel au moment de la naissance de l’héritier présomptif : un mariage déclaré nul conserve la légitimité des enfants et le droit de succession), et doit être lui-même de confession catholique. Cela ne signifie toutefois pas que ses sujets aient l’obligation d’embrasser la foi catholique ! Si cette règle sembla longtemps évidente, c’est le problème de la succession de Henri III qui la fit formuler clairement (édit d’Union). Henri de Navarre était le nouveau roi par les règles précédentes mais était protestant. C’est l’arrêt du président du Parlement de Paris Lemaistre en 1593 qui mettait toutes ces lois fondamentales sur le même plan qui trancha. Henri IV abjura le protestantisme (25 juillet 1593) et put être sacré à Chartres (27 février 1594).
  2. La successibilité : le roi succède à son prédécesseur. La succession fut très longtemps héréditaire – c’est ce que l’on appelle le Miracle capétien (987-1316, soit 329 ans) qui voit se succéder les douze premiers descendants d’Hugues Capet en ligne directe. Les premiers Capétiens font sacrer leur fils de leur vivant ; Philippe II Auguste (11801223) n’estime plus cette précaution nécessaire, le principe étant bien ancré et admis.
  3. La masculinité : Clovis est un homme et seuls ses fils lui succèdent ; les filles sont écartées de la succession au cours des trois dynasties (il est pourtant aussi père de Clotilde la Jeune, mariée au Wisigoth Amalaric). La raison première de cette règle est la volonté d’éviter que le royaume ne passe entre des mains étrangères en tant que dot, et que la Couronne sorte du sang de France. La loi salique est une réinterprétation a posteriori d’une loi civile très ancienne des Francs saliens, rafraîchie au VIIIe siècle par les Carolingiens sous le nom de lex salica carolina. Deux adages en sont tirés : « le royaume de France ne saurait tomber de lance en quenouille » (la lance étant un attribut masculin et la quenouille, un attribut féminin) et « Nemo ad alium transferre potest quam ipse habet » (on ne peut transmettre plus de droits que l’on en possède) ; une femme ne peut donc transmettre des droits de succession qu’elle-même n’a pas, ce qui s’applique à Isabelle de France, mère des rois d’Angleterre. En envoyant sainte Jeanne d’Arc, Dieu Lui-même consacre la légitimité de succession par les hommes, face au principe adverse défendu par les Anglois. En outre, lors de la cérémonie du Sacre, le Roi de France est oint comme les évêques avec le Saint-Chrême, mais mêlé au chrême de la Sainte Ampoule (les autres souverains chrétiens sacrés reçoivent leurs onctions avec l’Huile sainte, Oleum sacrum, dite des Catéchumènes). Le Sacre, qui n’est pas un simple couronnement, est un sacramental (il a même parfois été assimilé à un huitième sacrement) : il fait du Roi un lieu-tenant du Christ, parfois appelé « l’évêque du dehors ». En effet, si elle n’appartient pas à la hiérarchie de l’Eglise, toutefois la royauté sacrée propre à la France possède un caractère quasi-sacerdotal ; or seul les hommes peuvent être appelés au sacerdoce.
  4. La primogéniture : le plus âgé des fils du roi devient roi. À la mort de Hugues (1026), fils aîné de Robert II, ce dernier fait sacrer son fils cadet Henri, le futur Henri Ier, alors devenu aîné.
  5. La collatéralité masculine : en cas d’absence de fils héritier, la Couronne revient au plus proche parent mâle du roi. En 1589Henri III et Henri de Bourbon (le futur Henri IV), étaient cousins issus de germains, respectivement, par leur grand-père paternel et leur grand-mère maternelle mais seulement parents au 21e degré selon la collatéralité masculine.La loi se précise alors comme collatérale à la mort de Jean Ier le Posthume (1316), auquel succède son oncle Philippe V le Long, puis le frère de celui-ci, Charles IV le Bel (1322). A sa mort (1328), malgré la prétention de leur neveu Edouard III, fils d’Isabelle, c’est leur cousin germain Philippe VI, descendant par les hommes (Charles de Valois) qui leur succède : c’est le début de la Guerre de Cent Ans. La succession à la Couronne est donc successorale par ordre de primogéniture mâle : en l’absence d’une descendance directe mâle du souverain défunt, la Couronne est dévolue, à l’infini, à l’aîné de la branche collatérale la plus proche, qui devient la nouvelle branche aînée (comme les Bourbons-Anjou d’Espagne à la mort d’Henri V en 1883).
  6. L’indisponibilité de la Couronne : la Couronne n’appartient pas au roi ; elle n’est pas patrimoniale, mais elle est dite « statutaire » : le statut coutumier du Royaume est hors de portée des volontés humaines (la volonté du Roi, comme celle de son successeur ou de tout autre successible). Il ne peut ainsi ni désigner son successeur, ni renoncer à la Couronne, ni abdiquer, ni modifier la succession d’une quelconque manière. Elle fut notamment rappelée pour casser le testament de Louis XIV, qui incorporait ses deux fils légitimés, titrés respectivement Duc du Maine et Comte de Toulouse, à la succession au trône au cas où il n’y aurait plus d’autre descendant, du fait de l’hécatombe au sein de la Famille royale au début du XVIIIe siècle. L’indisponibilité signifie donc :
    • qu’il n’appartient pas plus au roi ou à un conseil de désigner le successeur au trône, mais qu’elle se transmet au décès du roi de par le simple effet de la loi. Le Roi régnant ne peut en rien changer l’ordre de succession, exhéréder (c’est-à-dire exclure de la succession) ni faire renoncer à ses droits un Prince dynaste.
    • qu’elle est dévolue à la naissance et ne change de tête qu’à la mort du prédécesseur. Il n’y a pas d’abdication ou de refus possible de la couronne de France. Les éventuelles « renonciations » sont donc, de plein droit, nulles en droit français.
    • que le roi (ou celui qui en tient lieu) n’en est pas le propriétaire. Le Royaume n’est pas la propriété du souverain : celui-ci exerce une fonction – la fonction royale – qui le dépasse et dont il est en quelque sorte le serviteur plus que le maître. Il n’a à ce titre pas le pouvoir de la céder ou de l’engager à une personne étrangère.
  7. La continuité de la Couronne (ou instantanéité de la Couronne) : lorsque le roi meurt, sa personnalité de roi ne s’éteint pas, même si son successeur n’est pas encore sacré roi. Deux adages en sont la conséquence : « Le Roi est mort ; vive le Roi ! », prononcé pour la première fois en 1498 à la mort de Charles VIII par le héraut d’armes. Les ordonnances de Charles VI, en 1403 et 1407, règlent que le Roi est tel dès la mort de son prédécesseur, instantanément et quel que soit son âge. S’ajoutait le principe selon lequel « en France, le Roi ne meurt jamais » : ainsi, le Chancelier ne portait jamais le deuil, puisque la justice ne pouvait être suspendue à aucun moment. Pratiquement, lorsque le roi était sacré (ce qui pouvait prendre plusieurs années en cas de crise dynastique), on en faisait remonter les pouvoirs au moment du décès de son prédécesseur : son règne commençait vraiment à ce moment-là. Le Sacre n’est pas constitutif de la royauté : ce n’est pas le Sacre qui fait le Roi, mais la force de la coutume. Le Sacre est seulement dit « déclaratif » : il consacre, par les prières et les onctions de l’Eglise, un Prince qui est déjà le Roi légitime et qui peut exercer sa royauté quand bien même il ne pourrait recevoir le Sacre. On trouve la même fiction d’une saisie de l’héritier au moment exact du décès en droit civil français avec l’adage selon lequel la mort saisit le vif.
  8. L’inaliénabilité du Domaine : les biens de la Couronne ne peuvent être ni engagés, ni aliénés, ni prescrits. Cette règle ne concerne que le domaine souverain, et pas le petit domaine du roi.

Actuel titulaire de la Couronne de France
selon les règles de Dévolution de la Couronne

Louis XX de France (1974-)

95e roi de France et 18e roi de France et de Navarre, depuis le 30 janvier 1989
(10e roi de jure depuis la mort de Charles X en 1836)

Tableau généalogique simplifié des branches actuelles de la famille de Bourbon :

Liste des rois de France « de jure », depuis la mort de Charles X en exil en 1836 :

LOUIS XIX (1836-1844), duc d’Angoulême, comte de Marnes

HENRI V (1844-1883), duc de Bordeaux, comte de Chambord

« Quand nous disons qu’Henri V est de « droit divin » le Roi de France, nous voulons dire que, d’après la loi de Dieu, et d’après les plus vénérables traditions de la France, le droit de ce Prince à la couronne repose sur des titres légitimes, inattaquables, et sur une prescription huit fois séculaire, qu’il est le dépositaire de l’autorité souveraine de Dieu, lequel est le Maître suprême du peuple français comme de tous les peuples ; qu’il est ainsi le Roi légitime à qui la France doit obéir, si elle veut faire la volonté de Dieu, si elle ne veut point se révolter contre le droit de Dieu. Voilà ce que c’est que le « droit divin » » (Mgr de Ségur).

JEAN III (1883-1887), comte de Montizon

CHARLES XI (1887-1909), duc de Madrid

« Comme l’aîné de la race de nos rois et successeur salique, par droit de primogéniture de mon oncle Henri V, je ne puis rester plus longtemps spectateur impassible des attentats qui se commettent contre la religion, et aussi Sa Sainteté Pie X. J’élève la voix pour repousser de toutes les forces de mon âme de chrétien et de Bourbon, la loi de séparation. Catholiques français, l’avenir de la France est entre vos mains, sachez donc vous affranchir d’un joug maçonnique et satanique, en revenant franchement et avec l’ardeur qui vous caractérise, à la vraie tradition chrétienne et nationale dont, par ma naissance, c’est-à-dire par la volonté de Dieu, je suis le seul représentant légitime ». Charles XI, 12 mars 1906

JACQUES Ier (1909-1931), duc de Madrid et d’Anjou

CHARLES XII (1931-1936), duc de Saint-Jacques et d’Anjou

ALPHONSE Ier (1936-1941), roi d’Espagne et duc de Tolède

HENRI VI (1941-1975), duc de Ségovie, d’Anjou, de Madrid et de Tolède

ALPHONSE II (1975-1989), duc de Cadix et d’Anjou

LOUIS XX (1989-), duc de Touraine, duc de Bourbon et d’Anjou

Tableau généalogique simplifié des rois de France « de jure », depuis 1836
(mort de Charles X, dernier roi ayant régné) :

(en bleu roi : les rois de France « de jure » ; en rouge : les rois d’Espagne)